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Mon blogue

Mes nombreux échecs

Avant de continuer, je dois préciser que je ne parle pas de mes rares échecs à un examen scolaire ni de la fois où je me suis pété les couilles en essayant d'apprendre à faire du vélo à 5 ans. Je parle de mes tentatives pour me faire des amis qui n'ont jamais rien donné.

Et celles de mon enfance n'en sont peut-être pas vraiment puisque c'est en fait ma mère qui était la fautive. En effet, tout au long de mes études au primaire, ma mère nous a forcés à déménager presque toutes les années et ce faisant je me retrouvais dans une nouvelle école sans moyen de garder contact avec les amis de la précédente. Le téléphone, ça existe ? Je vous invite à lire mes précédentes publications si ce n'est déjà fait.

Bref, comment entretenir une relation d'amitié durant l'enfance quand si tant de choses censées être normales sont interdites ? Interdiction de téléphoner. Interdiction de les inviter à la maison. Interdiction de se rendre chez eux. Interdiction d'écrire des lettres aux amis perdus. La majeure partie du temps, je ne voyais d'autres enfants que sur le terrain de l'école. J'ai parfois eu la chance que ma mère me laisse jouer dehors autour de notre immeuble, mais de plus en plus elle était hantée par l'idée qu'on me kidnappe et elle m'obligeait à rester sur le balcon de sorte qu'elle puisse me voir en tout temps. Les autres enfants ne venaient pas sur notre balcon, préférant rester au niveau du sol dans la cour.

Toutefois, je me souviens assez peu de la majorité d'entre eux et surtout pas de leur nom. J'ai toujours eu du mal à retenir les noms. Ainsi je ne considère pas ces enfants comme des amis. Je ne sais pas qui j'étais pour eux. Ces enfants avec qui je jouais près de notre lieu de résidence ou dans la cour d'école, comment me voyaient-ils ? Comme un ami ? Alors que moi je savais déjà que je ne devais pas m'attacher au cas où ma mère décidait de déménager encore.

Les déménagements ont cessé quand mon père a perdu son travail (après son accident) peu avant mon entrée au secondaire. J'ai donc fait tout mon secondaire à la même école. Et si la première année plusieurs garçons semblaient m'apprécier, ça n'a pas duré et je n'ai pas insisté vu la situation avec ma mère.

Malgré cela, il est arrivé quelques fois que des garçons tentent de se rapprocher de moi. Les filles ? Elles restaient généralement à distance pour diverses raisons que je ne tiens pas à évoquer. Disons que cela n'était pas étranger à notre pauvreté. C'est d'ailleurs ce qui faisait de moi un souffre-douleur auprès de la majorité des garçons. Cela et le fait que je n'avais que peu d'intérêts pour les sports.

Mais bref, un jour alors que j'étais en troisième année du secondaire, et je n'ai jamais compris comment ni pourquoi, un gars m'a invité chez lui à la fin des cours. J'étais un peu surpris de me rendre compte qu'il devait passer des heures seul après l'école, son père ne revenant du travail que bien plus tard. Je ne suis pas resté longtemps chez lui parce j'avais peur que ma mère s'inquiète. Il était triste que je parte. Mais le plus triste se produisit le lendemain ou quelques jours plus tard.

Je m'étais installé à un pupitre en attente du début d'un cours de mathématiques au milieu d'une cohue d'élèves tapageurs lorsque tout à coup je sentis des mains essayer de me faire un massage dans le bas du cou et les épaules comme s'il n'y avait rien de plus naturel. Je reconnus sa voix quand il me dit « Oh ! Tu es tendu ! » Mais j'ai eu peur que les autres voient cela et je l'ai repoussé.

Je ne sais pas ce qui s'est passé ensuite. C'est comme s'il s'était volatilisé. Je n'ai aucun souvenir de lui après cela. Et je m'en veux énormément. J'aurais dû tenter de le revoir. Peut-être, aller chez lui pour savoir s'il allait bien. En plus, il me plaisait bien. Il était un peu dodu. Mais à cette époque, je ne savais pas encore que j'aimais ça. Il m'a fallu passer beaucoup de temps à regarder des photos d'hommes grâce à l'Internet durant mes premières années de vie chez mon chum pour enfin comprendre quel type de physique masculin me plaisait. Auparavant j'avais peur de regarder les garçons et les hommes, à l'école, à l'extérieur et dans les transports. J'avais peur qu'ils se fâchent ou qu'ils veuillent me poignarder, comme j'avais entendu aux nouvelles de TVA quelques années plus tôt. Même aujourd'hui, je regarde les hommes que je croise que très brièvement.

Souvent quand mon chum et moi nous nous promenions dans la ville, il me disait « Lui il est gai » en croisant des hommes qu'il reconnaissait ou pensait reconnaitre. Moi je n'ai jamais compris les gens qui pensent avoir un « gaydar ». Pendant toute mon enfance et mon adolescence les rares homosexuels que je voyais, ils étaient à la télévision. Et le plus souvent, il ne s'agissait que d'un rôle joué par un hétéro. Je ne sais pas si vous avez remarqué il y a plusieurs années ces affiches collées ici et là sur les murs de la ville où figurait un visage de bébé sous-titré « Présumé hétérosexuel ». Bien, pour moi, ça n'a jamais été autrement. Pour moi, tous les hommes que je ne connais pas sont hétérosexuels, jusqu'à preuve du contraire. Si j'ai croisé de jeunes homosexuels lors de mes études secondaires, je ne l'ai jamais su. Et à part un ou deux cousins de ma mère, personne dans la famille n'était homosexuel. Tous mes cousins sont des sportifs fans de hockey et presque tous sont homophobes.

J'ai tenté de faire comprendre ça à mon chum à nos débuts, mais il était sûr que je me trompais. « Tu sais pas. Il y en a peut-être un autre dans ta famille. Tu sais pas. Ils vont peut-être t'accepter si tu leur montres que c'est normal. » Non. Mon cousin préféré aurait dit « C'est pas naturel deux hommes ensembles » après avoir appris que j'étais parti vivre avec un autre homme. Mais au début de notre relation, mon chum ne faisait que me pousser à « aller voir ailleurs », pas nécessairement en ce qui concerne le sexe, mais il voulait absolument que je retourne voir les gens de ma famille et que je me fasse des amis. Mais moi je n'ai jamais été attiré par les bars, les discothèques et autres lieux de rencontres.

Alors, je me suis inscrit sur tous les sites de rencontres que je pouvais trouver. Au début, n'étant vraiment pas à l'aise, je disais vouloir trouver des gens dans un but sexuel pour moi et mon chum qui aimait bien les activités de groupe. Si nous avons bien rencontré deux ou trois individus de cette manière, il n'y a jamais eu de suite. Quand j'ai reçu un gars dans notre petit quatre et demi pour une nuit, il n'y a pas eu de suite non plus. J'ai vite découvert que je n'aime pas les rencontres de type « NSA » comme ils disent sur le net et qui signifie « sans attaches » ou « sans lendemains ».

Le sexe, j'aime bien ça, il n'y a aucun doute. Mais avoir des rapports sexuels avec un homme différent chaque soir, ce n'est pas pour moi. Si je peux avoir des rapports sexuels dès le premier rendez-vous sans problème, je ne pourrai me sentir à l'aise qu'une fois que je vais connaitre mon partenaire assez bien pour savoir ce qu'il aime et savoir si je peux lui faire confiance. J'ai besoin de savoir qu'il ne va pas me forcer à faire des choses que je ne veux pas et de savoir qu'il ne va pas me jeter après le premier rendez-vous. J'ai déjà donné.

En 2013, nous avons acquis nos premières tablettes Android. J'ai pu essayer les applications de rencontres qu'on y trouve. Certaines sont mieux que d'autres. L'application Scruff, par exemple. Un soir je reçois un message d'un gars super beau et plus jeune que moi dont je regardais souvent le profil et les photos. Il avait un corps de type « bear » avec une couverture pilleuse juste comme j'aime. Et je ne regardais pas que son corps. J'aimais aussi beaucoup son visage, la région autour de ses yeux. Bref, il commence à me parler et moi je prends le relai. Après quelques semaines, il me dit que je suis son ami et nous commençons tous les deux à avoir hâte de nous rencontrer.

Au printemps suivant, le moment est enfin arrivé. Il me dit de le rejoindre dans un café à mi-chemin de nos lieux de résidence respectifs. Nous y restons que le temps qu'il termine son repas puis il souhaite faire un bout de chemin avec moi. Je ne me souviens pas trop de notre conversation, mais trop tôt est venu le moment de nous quitter. Juste avant de rebrousser chemin pour s'en retourner chez lui, il me dit qu'il a très hâte de m'inviter chez lui dans un but sexuel. Et comme preuve de la ferveur de son sentiment, il déplace sur le côté un sac à bandoulière qu'il tenait devant lui dévoilant ainsi son pénis qui formait un angle de 90° avec son corps. J'aurais eu envie de le tirer dans un coin à l'abri des regards pour m'en occuper sans plus attendre. Mais je n'ai rien fait. De toute façon, en ville, en pleine journée...

Nous nous quittâmes donc. Et moi, tout au long du chemin de retour, j'étais tellement heureux d'avoir enfin trouvé un ami tel que je voulais que le monde parût soudain être un endroit merveilleux. Mais ce fut de courte durée. Le lendemain il répondait à mes messages en disant « Je ne veux plus te parler. Je ne veux plus qu'on se voie. Je vais te faire du mal. » Tenter de lui expliquer que c'est en faisant cela qu'il me faisait du mal n'y changea rien.

Quelque temps après cela, à la télévision de Télé-Québec, Janette Bertrand nous confiait qu'elle a dans sa vie connue des « peines d'amitié » bien plus douloureuses que ses peines d'amour. C'est sûr que dans mon cas, la ligne entre amitié et amour est souvent floue, mais il reste que depuis cet incident je suis comme un chat échaudé qui craint l'eau froide. Depuis je n'ai osé rencontrer qu'un seul autre gars. Ça n'a pas été extraordinaire et ce fut sans suite. Il aurait probablement dit que « ça cliquait pas ».

C'est quelque chose qui m'achale vraiment quand je lis dans un profil « il faut que ça clique ». On dirait que ce qu'ils veulent, c'est un coup de foudre au premier rendez-vous. Ils ne savent pas que les coups de foudre, c'est rare. De plus, c'est encore plus rarement réciproque. Il me semble encore une fois que ces gars ne cherchent pas vraiment un ami (avec ou sans bénéfices). Ils cherchent l'homme de leur vie. Ils ont le droit. Et je leur souhaite de réussir.

Pendant ce temps, en ce qui me concerne, je sens que le temps passe à vive allure. Je ne rajeunis pas et j'ai l'impression d’avoir déjà dépassé ma date de péremption. Ce n'est pas parce que je connais une personne qui a rencontré un beau jeune homme en étant aussi âgée que moi que cela va m'arriver. Je regarde très souvent les profils des gars que je trouve à mon gout. Mais eux n'affichent que très rarement le mien et ils ne me parlent jamais. Ceux qui osent me parler sont souvent plus âgés et pas du tout de mon gout.

Il ne me reste qu'une chose à faire : continuer de rêver qu'un beau jour...

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