Expelliarmus ! Protego ! Pectus excavatum !
J'avais presque déjà 40 ans lorsque j'ai enfin pu mettre un nom sur la chose. C'est lors d'une visite médicale que j'ai enfin pu confirmer qu'il y avait effectivement quelque chose de « pas normal » avec ma poitrine.
Cette chose était absente durant l'enfance. Ma poitrine a commencée à se creuser au début de l'adolescence et cela contribué aux raisons pourquoi je ne me montrais plus jamais torse nu, même devant mes parents. L'autre raison principale était ce que ma mère a dit lorsque nous étions devant la télévision et qu'à l'écran un jeune acteur est apparu torse nu : « Je trouve ça laid son poil autour des tétons. » Elle ne savait pas que du poil avait commencé à pousser autour des miens. Et comme si ce n'était pas assez, un peu plus tard, des humoristes et autres personnalités publiques ont dit eux aussi que c'était affreux les « oignon rings » que certains hommes ont autour des seins. En fait, si je me souviens bien, ce serait lors de la diffusion d'un spectacle télédiffusé de Stéphane Rousseau que j'ai entendu cela.
Bref, j'ai passé mon adolescence avec un problème d'estime à cause de ça. Les gens ont tendance à faire un drame avec ça, les problèmes d'estime. Bien souvent, ce ceux qui n'en ont jamais souffert eux-mêmes qui viennent nous dire « Ben voyons, t'as pas besoin de t'en faire pour ça, t'es normal » ou d'autres trucs du genre. Ce qui est le plus redouté, c'est que le problème entraine un comportement autodestructeur, voire suicidaire. Et c'est vrai, une personne qui se mésestime pense souvent qu'elle n'a pas de valeur, que sa vie ne compte pas. Mais moi, je n'ai pas ce genre de problème d'estime, au contraire. J'ai une très bonne estime en ce qui concerne ma personne, ma personnalité, mon intellect. C'est seulement mon physique que je n'aime pas beaucoup.
Même avant l'adolescence, je me trouvais trop mince, mais c'est surtout avec la poussée de croissance que j'en ai vraiment pris conscience. Et ce pectus est justement un possible effet secondaire d'une extrême maigreur. Mais attention, ce ne sont pas tous les maigres qui en sont affectés. Le risque est plus grand quand on a aussi une prédisposition génétique qui affecte les tissus cartilagineux, par exemple. Ce qui se passe, c'est que la croissance des côtes pousse le sternum vers l'intérieur. Longtemps j'ai cru que c'était ma faute. Que c'était dû à une mauvaise posture assise ou encore du fait que je retenais ma respiration lors de la masturbation pour éviter que ma mère entende.
Lors de ma rencontre avec mon chum, il a été comme « touché » par ma maigreur et ce creux dans ma poitrine qui me faisait paraitre plus frêle encore. Mais il a toujours refusé d'y voir là quelque chose d'anormal. D'ailleurs, lorsque d'autres hommes vivant avec un pectus excavatum en parlent sur divers sites web et forums, le plus souvent en anglais, ils disent tous que les gens de leur entourage n'ont jamais rien remarqué d'anormal chez eux. Dans les cas les plus légers, l'individu affecté n'est pas lui-même au courant. Ils l'apprennent souvent chez le médecin comme moi. Et parfois, ils vivent une vie entière sans le savoir.
Pour moi, nier l'évidence d'une différence est aussi perturbant que de faire de la discrimination à cause d'une différence. Je ne veux pas qu'on se comporte différemment avec moi à cause de ma différence, mais je ne veux pas non plus qu'on fasse comme s'il n'y avait rien. C'est sûr toutefois que susciter une réaction de dégout est bien pire. C'est pourquoi je préfère conserver au moins un petit chandail en public. Même chez nous, au troisième étage avec les rideaux ouverts, je n'aime pas être dénudé. Mon chum ne comprend pas.
En fait, je n'ai pas vraiment de problème avec ma nudité si les personnes présentes n'ont pas de problème non plus. Si une personne est au minimum capable d'accepter que je sois un gars très peu musclé avec un bedon qui rend mon pectus encore plus apparent, je me sentirai moins mal.